Les actualités de ces dernières années dessinent une tendance de société : une grande partie de la population ne veut plus d’une société mondialisée. Ils et elles rejettent les politiques “hors sol”, dénoncent la concentration des pouvoirs dans les métropoles, la destruction des ressources planétaires, la sacro-sainte technologie à tout va, l’appel de la rentabilité coûte que coûte… 


Elle se réveille et s’active : ce sont les Gilets Jaunes, les jeunes, les soignants, les enseignants, les agriculteurs, des élus locaux, des militants de toujours, des femmes au foyer, des ruraux inspirés, des ingénieurs engagés, des anciens de la Défense... Ils et elles sont prêts à s’engager et se tournent vers un autre monde, celui de l’action locale. Un monde plus solidaire, plus respectueux de la planète et des relations humaines, plus proche de la vie des gens, qui aspirent à une vie simple et heureuse, une vie plus douce, moins complexe. Valérie Jousseaume en parle très bien dans son livre Plouc Pride : un nouveau récit pour les campagnes. 


C’était sans compter la crise de la COVID19. Elle a décuplé l’importance qu’ont les liens sociaux dans nos vies. Elle a amplifié le besoin de faire lien entre habitants, acteurs locaux, élus, entreprises, associations et de coopérer pour renforcer la résilience territoriale. Elle a donné encore plus de corps à ce mouvement citoyen. 


C’est face aux enjeux globaux auxquels nous sommes déjà confrontés que la solidarité locale apparaît comme une clé de notre futur. Notre voie ? Nous entraider et faire cohorte pour s’organiser efficacement face aux prochains bouleversements de notre ère. 

 

Au fond, qu’est-ce que la solidarité ?

C’est la “dépendance mutuelle entre les êtres humains, existant à l'état naturel et due au besoin qu'ils ont les uns des autres”. Elle est l’expression de notre organisation sociale. De nos besoins à nous relier et à faire ensemble.


Aujourd’hui, la solidarité citoyenne s’exprime au travers de différents moyens : des coups de main à ses voisins, l’engagement associatif local, des dons à des ONG, la création ou la pérennisation de structures de l’ESS (économie sociale et solidaire) ou encore les dispositifs de participation citoyenne (conseils participatifs, budgets participatifs, grandes consultations numériques, boîtes à idées..).


Elle s’est décuplée depuis deux ans, grâce et à cause de la COVID19, avec des collaborations entre fablabs et mairies pour la création de visières, entre habitants, associations et entreprises pour la confection de masques, avec l’organisation de maraudes auprès des sans-abris, de distribution de plats cuisinés pour les personnes isolées, de rédaction de lettres pour les EHPAD...

Les besoins comme créateurs d’initiatives de solidarité

Les solidarités sont toutes parties d’un besoin exprimé par une partie de la population. En fait, dès qu’un besoin est rendu visible, les solutions et les moyens d’y répondre foisonnent. On manque de masques et de protections ? Les citoyens en fabriquent de tous modèles/types et échangent sur ceux qui sont les plus efficaces. Le personnel soignant a besoin de logements ? Des propriétaires de logements vides, des hôtels se proposent pour répondre à la demande. Nous sommes souvent très ingénieux pour imaginer des solutions aux problèmes. 

Notre plus grand défi est d’identifier les problèmes et les besoins du territoire et de les rendre visibles au plus grand nombre

Beaucoup réussissent à les identifier, de nombreux exemples existent. Lorsque nous voyons des habitants s’emparer d’initiatives simples et efficaces, c’est l’expression sincère d’une solidarité locale : le développement d’un fablab dans des quartiers, la plantation d’arbres fruitiers pour une commune, un transport partagé pour personnes âgées en ruralité, une garderie parentale en soirée... ils identifient des besoins sur le territoire et s’activent ensemble pour y répondre. 

 

Une nouvelle tendance d’animation des solidarités sur les territoires

Les associations représentent et représenteront toujours le cœur de l’activité solidaire : elles complètent l’action de l’Etat et des collectivités locales sur les territoires. Elles permettent de rassembler des habitants autour de causes essentielles pour prendre soin des autres et de la planète. Ce sont des associations de sport, culturelles, écologiques, de retraités, d’entraide, humanitaire, de soutien scolaire…


Sauf qu’aujourd’hui, la cause associative ne fait pas rêver tout le monde : les gens ont peu de temps à accorder, elle est souvent grisonnante, a des modes de fonctionnement laborieux... Alors de nouveaux dispositifs ont été imaginés par les collectivités locales pour engager les habitants sur les besoins des territoires et pour réinventer les solidarités par la participation citoyenne : la convention citoyenne en Occitanie, le réseau des POTEs en région Bourgogne Franche Comté, le budget participatif du Gers

Les POTEs en région Bourgogne Franche-Comté

Appelés par le besoin de renouveau démocratique, ces projets cherchent à écouter plus de personnes, et pas seulement celles qui crient le plus fort. Ils contribuent à construire les territoires autrement en y intégrant sincèrement l’avis, les besoins et envies d’un maximum d’habitants. Cette nouvelle forme de projets solidaires, co-construits entre différents acteurs, se mettent au service des besoins des habitants et des habitantes du territoire. 


En conclusion, animer les solidarités en tant que collectivité locale, c’est être à l’écoute de sa population, se connecter aux personnes ressources de son territoire et faciliter leur coopération pour répondre aux besoins du territoire.

 

Les collectivités animatrices des solidarités locales

Leur enjeu ? Savoir comment mettre en lien, faire coopérer les habitants motivés pour qu’ils s’organisent entre eux lorsqu’ils perçoivent un besoin du territoire, et rendre leur action à la fois conviviale et efficace. 


Par exemple, imaginez un village au fin fond des montagnes où la vie est simple et douce. Les gens y sont plutôt heureux mais émerge une problématique : il n’existe quasiment plus de commerces. En écoutant sa population grâce à une concertation, les élus et agents de la collectivité se rendent compte qu’une centaine d’habitants et habitantes ont besoin et envie d’avoir accès à une épicerie d'appoint, un salon de thé et un espace pour se rencontrer et faire des ateliers créatifs. Ils partagent les résultats de leur concertation et invitent les habitants à contribuer à la réflexion d’un projet collectif autour de ce besoin. Bonne nouvelle, 6 habitants répondent à leur appel, ils invitent également des associations locales et les entreprises intéressées par le projet. 


Résultat : des ateliers de réflexion sont organisés, le processus prend plusieurs mois et à la fin : un projet de tiers-lieu émerge. Une habitante avait proposé le concept de tiers-lieu, jusqu’ici inconnu des élus. Le groupe s’en est emparé et a bonifié son idée : ce sera un tiers-lieu qui répondra aux besoins des habitants et à la fois aux besoins de la collectivité et des entreprises. Il combinera à la fois une épicerie d’appoint, un salon de thé, des espaces adaptés pour des ateliers et aussi un espace de travail partagé pour les télé-travailleurs du territoire. Et comme l’idée est innovante, elle pourra sans doute donner envie à des jeunes habitants de s’installer dans le village.


Ce processus change profondément les modes de fonctionnement des collectivités. Il demande aux élus et aux agents de s’adapter et de changer de posture face aux habitants pour devenir des animateurs de solidarités. Un élément fondateur de ce changement de comportement est la confiance. Nous entendons souvent que le mal politique de notre époque est la confiance que les habitants ont en leurs élus. L’idée de ce type de processus est de faire un pied de nez à cette tendance en transformant son rapport à l’autre. En effet, ce type de démarche ne fonctionne qu’à condition d’une volonté sincère de croire en la valeur de ce qu’apporte sa population, et de leur faire confiance. Marcel Pagnol disait : « pour que les gens méritent notre confiance, il faut commencer par la leur donner »


Il s’agit également d’apprendre comment faciliter les coopérations entre acteurs territoriaux, avec une approche constructive et bienveillante qui prend en compte les besoins de chacun, grâce à des outils et des méthodes qui ressortent de l’intelligence collective. Nous parlons d’animation territoriale, et plus précisément ici d’animation des solidarités locales. Les exemples de collectivités locales abondent sur l’évolution du rôle des collectivités dans leur territoire. Ici avec la commune de la Crèche en Nouvelle Aquitaine.

Une opportunité en lien avec la réalité des communes rurales 

Compter sur les habitants et les acteurs locaux pour collaborer autour de besoins identifiés est aussi un moyen efficace pour les collectivités rurales de faire face à leurs enjeux. D’abord, leurs ressources sont de plus en plus limitées (temps, argent, champ d’action, ressources humaines). Aussi, la désertification des campagnes, associée aujourd’hui à un possible retournement de tendance avec l’envie croissante des Français de vivre en ruralité (selon une enquête IFOP d’avril 2019, 81 % des Français estiment que la vie à la campagne correspond au mode de vie idéal).


Quoi de mieux que d’innover en lançant des concertations citoyennes pour être à l’écoute des besoins ? Quoi de mieux que d’activer les énergies des acteurs locaux et de construire le futur d’un territoire solidaire pour donner envie à des nouveaux habitants de rejoindre les campagnes et ainsi pallier aux manques des collectivités locales ?


Finalement, cultiver des démarches de solidarité locale contribue au mieux-être des habitants, au dynamisme des communes rurales, accroît leur attractivité et leur assure un développement durable. Les fondations d’un monde d’après empli d’espoir ?