Le statut de métropole a été créé le 16 décembre 2010 et renforcé par la loi du 27 janvier 2014. Au-delà du Grand Paris, deux statuts particuliers ont été créés pour les métropoles de Lyon et de Marseille-Aix-en-Provence. Est venue aussi la création de neuf métropoles dites de droit commun à Bordeaux, Grenoble, Lille, Nantes, Nice, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse. Les élus de Brest et Montpellier ont demandé et obtenu, comme le prévoyait la loi, le même statut. Huit nouvelles métropoles ont suivi sur la base du volontariat, en transformant leur communauté d’agglomération en métropoles : Clermont- Ferrand, Dijon, Metz, Nancy, Orléans, Saint-Etienne, Toulon, Tours.

On compte donc 21 métropoles plus celle du Grand Paris. Elles exercent des compétences renforcées par rapport aux intercommunalités classiques et, en complément, mettent en oeuvre par convention des compétences relevant en principe du département, comme la voirie, la gestion du fonds de solidarité pour le logement, l’aide aux jeunes en difficulté, la prévention spécialisée, la prise en charge des personnes âgées ainsi que certains équipements sportifs et culturels. La même possibilité est prévue pour quelques compétences relevant des régions. La métropole assure la fonction d’autorité organisatrice d’une compétence qu’elle exerce sur son territoire. Elle définit les obligations de service au public et assure la gestion des services publics correspondants, ainsi que la planification et la coordination des interventions sur les réseaux concernés par l’exercice des compétences. La conférence métropolitaine est présidée de droit par le président du conseil de la métropole et comprend les maires des communes membres. Elle est une instance de coordination entre la métropole et les communes. Le candidat puis le président Emmanuel Macron a confirmé ces processus en insistant même fortement sur la construction d’un modèle le plus intégré possible calqué sur le cas lyonnais où la métropole a tout simplement repris l’ensemble des compétences du département du Rhône et des services qui vont avec.

Ce processus d’affirmation du fait métropolitain répond à une logique que l’on peut comprendre et qui présente des arguments recevables afin de doter nos pôles urbains majeurs des leviers nécessaires pour exister dans la compétition mondiale et surtout faciliter la lecture du panorama institutionnel par nos concitoyens. Ce processus est renforcé par la signature d’un pacte entre l’État et les métropoles le 6 juillet 2016, pour définir avec elles une stratégie nationale de développement fondée sur l’innovation via trois thématiques au choix : transition énergétique et environnement, ville intelligente et mobilités, excellence économique et rayonnement international.

Cette évolution est franchement beaucoup plus discutable quand on analyse la liste des sept dernières communautés d’agglomération qui ont obtenu sur demande le statut de métropole et quand le projet de métropole se fonde très principalement sur l’intégration de plusieurs compétences de proximité des départements qui n’ont pas grand-chose à voir avec la compétition mondiale. Cela traduit davantage une volonté à peine masquée de régler le compte des départements, pour l’instant ceux à forte présence urbaine (puisqu’ils comportent une métropole) avant de démembrer les autres situés en milieu rural. Ce qui interroge dès à présent et de manière très pratique par rapport à la problématique des espaces ruraux, c’est la fabrication par la haute-administration française, aidée en cela par des acteurs comme l’association France Urbaine, d’un véritable tiersmonde rural aux portes des métropoles. D’ailleurs, plusieurs exécutifs de métropoles comme Nantes, Rennes et Bordeaux n’ont pas souhaité en 2018 exercer ces compétences de proximité à la place du département.

En effet, une fois dépecés de leur coeur métropolitain, certains départements qui possèdent une frange rurale très importante sont ou seront amputés à double titre. Premièrement, ils perdent une très forte source de richesse qui leur permettait de mettre en oeuvre un développement équilibré et solidaire du territoire via des formes de péréquation internes au département. Ce que Jean- René Lecerf, président du conseil départemental du Nord, a dénoncé en septembre 2018 en fustigeant “la construction de ghettos de riches (la métropole) à côté de ghettos de pauvres, alors même que le département est le moyen incontournable pour mettre en place une péréquation entre les uns et les autres.” Cela revient finalement à donner plus à ceux qui ont plus ! Par exemple, 85 % des droits de mutations (DMTO) perçus par le département du Nord sont localisés dans la métropole lilloise. Autrement dit, le nouveau département du Nord se verrait amputé de 85 % de recettes perçues via les DMTO alors qu’il y aurait encore 50 % de la population à prendre en charge. À ce stade, les équilibres financiers ne sont pas tenus ! Deuxièmement, certains départements perdent clairement leur taille critique permettant de répartir et mutualiser les services et les politiques d’interventions ! Ils deviendront ainsi l’équivalent des petits départements ruraux exposés, comme nous l’avons vu précédemment, à des équations financières insoutenables.

 

                                       Population des départements
                     avant et après la création des métropoles (source ADF)

 

Le tableau ci-dessus montre que tous les départements ne sont pas touchés dans les mêmes proportions, en pourcentage de prélèvement de population, mais aussi en fonction du nombre d’habitants restants qui passe en dessous des 400 000 habitants pour les Bouches-du-Rhône, la Côte-d’Or, l’Indre-et-Loire, la Loire, le Loiret et le Puy de Dôme. L’État, qui a poussé dans le sens du modèle lyonnais, n’a pas prévu de traitement particulier pour les marges périphériques des territoires métropolitains qui constituent un département amputé, risquant une fois de plus de générer une rupture source d’inégalités territoriales. Cela traduit une conception technocratique purement fonctionnelle, avec des échelons qui sont pensés uniquement à l’aune de fonctions à réaliser et à répartir selon des considérations d’efficacité calculées et évaluées par l’impératif de performance. Ce paramètre est évidemment très important à considérer, mais ce ne doit pas être le seul.

La décentralisation n’est pas qu’une affaire technique. Il faut revenir à une approche humaine de la politique, avec une ambition partagée par le plus grand nombre de nos concitoyens à être intégrés dans un récit, une identité, de vivre une appartenance territoriale. Or, ce n’est plus le cas et le mouvement des “gilets jaunes” qui aboutit à des manifestations malheureusement violentes dans le centre-ville de certaines métropoles en est aussi un symptôme. L’assemblée des départements de France avance comme forme d’accompagnement un mécanisme de péréquation financière entre les métropoles et ces franges départementales mais cela est très clairement insuffisant. On assiste en direct à la création d’une dizaine de départements affaiblis alors qu’ils étaient prospères, ce qui va grossir les rangs des départements pauvres et fragiles sur le modèle des départements hyper-ruraux. En plus, nous ne voyons pas très bien comment de telles réformes nous rendraient plus forts dans la bataille de la mondialisation sous prétexte de muscler artificiellement des centres urbains mais en appauvrissant des territoires ruraux entiers !