Avec la baisse importante de la démographie médicale (départs à le retraite, numerus clausus élevé durant des décennies) et l’augmentation des besoins de santé due aux transitions démographiques (vieillissement) et épidémiologiques (pathologies chroniques), l’accès aux soins constitue un enjeu majeur de politique publique. Médias et élus dénoncent régulièrement l’inquiétude croissante de population et l’apparition de « déserts médicaux ». La présence d’un médecin est devenue la préoccupation majeure des personnes souhaitant emménager dans un nouveau territoire.

 

1.     Les dimensions de l’accès aux soins

 

Cependant, les déserts médicaux (ou devrait-on dire « les difficultés d’accès aux soins » ou encore le « déséquilibre entre l’offre et la demande en soins ») sont-ils seulement liés à la répartition géographique des médecins ? En réalité, l’accès aux soins est un concept multidimensionnel qui se décline selon 5 dimensions : la disponibilité (la relation entre le volume et le type de services existants ainsi que le volume de la clientèle et de ses besoins), l’accessibilité (mobilité des patients, distance, durée et coût du trajet entre la localisation des services et celle des patients), la capacité financière (honoraires des médecins, reste à charge des patients), dans une moindre mesure en France, l’acceptabilité (capacité du professionnel de santé et du patient à surmonter des barrières sociales et culturelles). Et reste l’une des dimensions les plus importantes et trop souvent oubliées : l’organisation des services de santé pour accueillir les patients (jours et heures d’ouverture des cabinets, temps d’attente, système de paiement, prise en charge des urgences, standard téléphonique opérationnel toute la journée pour prendre des rendez-vous et fournir des renseignements).

 

Ainsi, en France, le principal obstacle pour consulter un médecin généraliste est le temps d’attente en salle d’attente et pour un médecin spécialiste, il s’agit du délai d’obtention d’un rendez-vous. Ces difficultés s’observent sur tous les territoires ruraux, urbains et périurbains.

 

 

2.     Quelle est évolution de la démographie des médecins, infirmiers et kinés en France ?

 

À l’échelle nationale, le taux d’évolution annuel de la densité est négatif sur les trois quarts des bassins de vie (voir carte Illustration 1) et les territoires considérés comme les plus attractifs (littoraux méditerranéen et Atlantique, espaces méridionaux, villes) ne sont pas épargnés. Selon le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM), en 2018 la France comptait 198 081 médecins en activité régulière (47% sont salariés, 42% sont libéraux et 11% mixte). L’âge moyen est de 51 ans : près d’un quart ont plus de 60 ans et seulement un quart, moins de 40 ans. Parmi eux, on décompte 87 801 médecins généralistes en activité régulière ce qui constitue une diminution de -7% depuis 2010avec de grandes disparités suivant les bassins de vie. La part de médecins libéraux diminue également : en cause, les départs en retraite (25%), l’attrait du salariat (62% des 8 733 nouveaux inscrits) et les modes d’exercices mixtes ou remplaçants.

Illustration 1 : Le taux d’évolution annuel de la densité des médecins généralistes en France depuis 2006

 

 

Ainsi la densité de médecins généralistes est passée de 9,7 médecins pour 10 000 habitants en 2010 à 8,8 en 2019. Tandis que celle des infirmiers a fortement progressé : +5,5 infirmiers pour 10 000 hab. en 9 ans et + 2,7 pour les kinés (voir Illustration 2).

 

Illustration 2 : La densité de généralistes, infirmiers et kinés en France depuis 2010

 

 

 

  

 

3.     Les territoires ruraux sont-ils plus touchés par la baisse de la densité médicale ?

 

Lorsque l’on classe les bassins de vie selon leur densité[1], les « peu denses » sont ceux qui enregistrent la densité de médecins généralistes la plus faible : seulement 7,6 médecins pour 10 000 hab. en 2019. Mais si l’on observe l’évolution de la densité depuis 2010, l’ensemble des territoires ont une baisse de la densité de médecins généralistes proches de 1 médecin pour 10 000 hab. entre 2010 et 2019 et ce sont les bassins de vie « très peu denses » qui ont le plus fort déclin : diminution de 1,3 médecins en 9 ans.

Ces espaces sont notamment situés au centre de la France (Lozère, Aveyron, Creuse, Cote d’Or, Nièvre, Haute-Marne), voir Illustrations 3 et 4.

Illustration 3 : La grille de densité par bassin de vie en France métropolitaine