La multitude de zonages nationaux est critiquée à intervalles réguliers mais leur nombre ne cesse d’augmenter. Ils sont censés, sur la base de critères INSEE objectifs, permettre d’agir différemment selon les zones. Le monde rural supporte par exemple les zones de revitalisation rurale (ZRR*) ! Un énième rapport accablant est encore sorti fin 2018. Pour les députés rapporteurs, les ZRR sont inefficaces avec un caractère émietté, une absence de dynamique propre aux ZRR et des mesures adossées aux ZRR bien trop hétérogènes et sans cohérence. C’est vrai ! Nos chers technocrates n’ont rien trouvé de mieux que se servir de ce zonage pour bâtir un dispositif de défiscalisation pour les médecins et en même temps un régime d’aide spécifique des agences de l’eau pour remplacer les conduites d’eaux potables !!!
On voit bien que le système de zonage actuel est totalement à bout de souffle et crée de l’inertie, des inepties et génère de l’incompréhension. Il faut donc façonner de nouveaux indicateurs croisés et transversaux qui se basent sur les trois grandes fonctions d’avenir de l’espace rural : productif (ressources) / résidentiel (cadre de vie) / nature (environnement). Ils sont aujourd’hui en tension mais ils poussent les décideurs qui entrent dans une démarche d’action à les décrire dans le détail. Un exemple exploité en 2013 dans la construction du projet de territoire “Haute-Saône 2020” peut servir d’illustration autour de trois grandes fonctionnalités :
- le rural – espace productif (support d’activités économiques) fragilisé par des tendances lourdes (métropolisation de l’emploi, recul continu de l’emploi agricole) ou plus récentes (déconcentration industrielle vers le rural-périurbain, diffusion des industries agroalimentaires, émergence du tourisme – nature) ;
- la campagne – cadre de vie (espace résidentiel et récréatif) qui redevient attractif par la périurbanisation, un “désir de campagne fort”, les facilités de mobilité, le développement des usages numériques…
- le rural – espace de nature (espace préservé) qui voit une croissance des biens de nature dans les sociétés développées, une intégration de plus en plus forte des différentes problématiques environnementales dans nos modes de vie…
L’objectif généralisé visé par la démarche “Haute-Saône 2020” était donc libellé ainsi : “poursuivre une attractivité renouvelée et s’engager dans un mode de développement soucieux de l’équilibre entre les territoires en répondant aux besoins d’aujourd’hui, tout en préservant l’avenir”. Autour de cinq grands principes (territorialiser les interventions, rechercher les convergences, investir pour la jeunesse, tendre vers l’exemplarité environnementale, construire un nouveau cadre de concertation avec la société civile) et trois ambitions (accompagner les habitants au quotidien, équilibrer les territoires et construire les nouvelles proximités, valoriser les territoires et leurs savoir-faire) qui découlent de cette approche en trois grandes fonctions, des indicateurs sont définis et suivis dans le temps.
Ce travail expérimental appliqué pour la construction d’un projet de territoire à l’échelle d’un département n’est pas suffisant. Il convient maintenant d’ouvrir un chantier méthodologique sur la production d’indicateurs alternatifs qui déconstruisent, valorisent et mettent en mouvement le monde rural pour l’action. Le monde rural doit l’exiger dans son adresse aux responsables nationaux !